l’histoire
Après la défaite de Waterloo et l’exil de Napoléon,
Wellington et ses troupes sont dans Paris. La révolte gronde.
Qui va gouverner le pays ? Le 6 juillet 1815 au soir, les « faiseurs
de rois » Fouché et Talleyrand se retrouvent lors d’un souper
pour décider du régime à donner à la France. Si le premier
souhaite une république, le second envisage le retour des
Bourbons. Aucun des deux ne peut agir sans l’autre. Sans céder
au manichéisme ni à l’aspect scolaire du face-à-face, Jean-
Claude Brisville imagine cette conversation décisive et met en
scène la lutte pour le pouvoir et les honneurs de deux hommes
puissants qui se détestent, se livrent tour à tour mais que les
circonstances historiques condamnent à s’entendre sous peine
de disparaître. Deux siècles se sont écoulés et, cependant, leur
souper est toujours d’actualité tant du point de vue du questionnement
sur l’avenir de la France que de l’affrontement
politique. Toutefois les enjeux du Souper ne doivent pas être
entendus dans leur seul cadre historique mais compris comme
une extraordinaire autopsie de l’art de la négociation. La négociation
est au coeur de nos existences et c’est le thème essentiel
du Souper. La dispute entre deux prestigieux protagonistes est
aussi une figure de style que l’écriture théâtrale, si elle est
servie par un véritable auteur, est la mieux à même de défendre.
ce qu’ils en disent
Les très grands succès théâtraux ont
parfois la fâcheuse conséquence de rendre très difficile, sinon
impossible, les nouvelles mises en scène. Ceci est d’autant plus
vrai quand il s’agit d’une pièce nouvelle qui, d’emblée, a ainsi
trouvé son « excellence ». Marqué par l’éclatante réussite, on se
résout souvent à ne plus penser à une nouvelle hypothèse.
C’est le cas du Souper brillamment interprété il y a 25 ans par
Claude Brasseur et Claude Rich dans une mise en scène au
cordeau de Jean-Pierre Miquel qui a d’ailleurs donné lieu,
peu de temps après, à une adaptation cinématographique
d’Édouard Molinaro. Sauf si... Sauf si de très grands comédiens
sont prêts, avec vous, à relever le défi et quand il s’agit de Niels
Arestrup et Patrick Chesnais cela se transforme en une vraie
ambition, un magnifique projet, l’espoir d’une nouvelle vision.
Et on peut parier, comme ce fut le cas en 1989 et comme le
provoque toutes les grandes pièces, au-delà de comprendre
que les destinées de tout un peuple sont souvent décidées au
sommet par quelques-uns, que le spectateur de 2015, deux
siècles exactement après Waterloo, trouvera dans le spectacle
une résonance du contexte politique actuel. Daniel Benoin
ce qu’ils en pensent
On se rend compte que les destinées
de tout un peuple sont finalement décidées au sommet par les
échanges informels de quelques potentats habiles, seuls vrais
acteurs de la chose politique. Au spectateur de voir ou non
dans ce constat pessimiste une résonance dans des contextes
plus actuels !Céline Doukhan, Les trois coups
rencontre avec l’équipe artistique
à l’issue de la représentation
du mardi 6 janvier
20142015