l’histoire |
C’est au pied d’une montagne métaphorique que nous attendent Maguy Marin et ses six danseurs. Pour le dire sans détour, Maguy Marin se paye le néo-libéralisme. Pendant une heure sur fond de musique industrielle, les interprètes conditionnés comme des machines accumulent sur le plateau qui figure leur espace de travail des centaines d’objets quotidiens jusqu’à le rendre inhabitable, irrespirable, invivable. Tels des funambules ils avancent sur une ligne de crête et semblent nous indiquer de part et d’autre deux dangereux versants de notre monde, la violence des institutions et la violence des passions humaines. Une pièce manifeste pour un art engagé.ce qu’ils en disent |
J’ai lu des livres de Frédéric Lordon qui est un économiste, un philosophe très spinosiste et d’autres ouvrages sur la politique industrielle. Et je me suis rendue compte que les gouvernements entretiennent le déni sur le travail des gens dans leur propre pays. On va chercher des moyens de production là où c’est le moins cher. On vend les biens de consommation très chers mais avec des gens sous-payés. Ce que veut dire Lordon, c’est que l’on nous prépare à ne jamais être satisfaits. Dès que l’on possède, on jette et on veut autre chose. C’est une espèce de boulimie. C’est pour cela que dans la pièce les gens mangent beaucoup. On compense avec des objets, ça nous console de notre condition humaine. Maguy Marince qu’ils en pensent |
La scénographie du nouveau spectacle de Maguy Marin intitulé Ligne de crête est un miroir. Tout un chacun la connaît ou la reconnaît pour la pratiquer ou la fréquenter. Le design cheap et standardisé, celui du prétendu taillé sur mesure pour le travailleur en sous-évaluant ses besoins humains, abrite ici la métaphore de la société du plus petit dénominateur commun. Plus largement, Ligne de crête est une critique bien balancée de la déshumanisation et de la consommation qui agissent comme un système autobroyeur. Le MondeMaguy Marin construit ici une oeuvre exigeante à laquelle il faut se mesurer. Car Ligne de crête est un anti-objet de consommation par excellence qui interdit tout sentiment de divertissement. Une pièce dont on sort complètement sonné. Une pièce nécessaire face au besoin urgent de changement. Un remède au découragement des révoltés aussi, qui nous suit longtemps à la sortie du théâtre. Mélanie Carpentier, Le Devoir