l’histoire
L’écrivain et philosophe Raphaël Enthoven pour qui Sade est « l’ombre des Lumières, la face cachée du soleil » a eu envie de réunir deux romans libertins du divin marquis en une seule proposition. Pour mettre en évidence les contrastes d’une pensée sans concession, Isabelle Huppert était l’interprète idéale. Elle a accepté de déchiffrer à vue cette partition. Dans cette lecture publique elle est tour à tour Justine ou Juliette, deux sœurs aux destins opposés, l’une infortunée dans la vertu, l’autre prospérant dans le vice. Il suffit d’avoir vu Isabelle Huppert ne serait-ce que dans La Pianiste de Michael Haneke ou Madame Hyde de Serge Bozon pour savoir qu’elle est sans doute la comédienne la plus apte à rendre presque en même temps les deux facettes d’une personnalité, la dualité d’un personnage, d’une parole ou, comme ici, d’une pensée. Le 9 juillet 2015 dans la cour d’honneur du Palais des papes d’Avignon, Isabelle Huppert avait fait une lecture de ces textes en luttant contre le mistral, une soirée restée dans la mémoire des festivaliers. Nul doute que dans la quiétude d'anthéa les mots de Sade portés par Isabelle Huppert feront à nouveau souffler la tempête.ce qu’ils en disent
Ce qui est intéressant dans la lecture, c’est de mettre le spectateur dans un état de découverte. Certains connaissent les textes, d’autres les entendent pour la première fois. Moi, je fais en sorte de les découvrir plus ou moins en même temps qu’eux. Je ne prépare pas du tout : je lis l’ensemble une fois ou deux, pas plus. Je ne prévois pas de faire une rupture à un endroit plus qu’à un autre, de mettre tel ou tel ton. Cela donne une sorte de fraîcheur à la lecture, en créant un effet de surprise, une forme de naturel. Je lis différemment chaque fois, de même qu’au théâtre je joue différemment tous les soirs. (…) S’il y a un risque à lire Sade, je ne l’ai pas mesuré. De toute façon, il n’y a aucun risque à prendre des risques. Je ne sais même pas que ce sont des risques, et cela me donne de la liberté. Il y a une grande part d’inconscience là-dedans. Et peut-être une curiosité qui l’emporte sur tout le reste. Être curieux, c’est une définition de la vie. Isabelle Huppertce qu’ils en pensent
Isabelle Huppert change de visage selon qu’elle est Juliette ou Justine. Les mots qu’elle énonce peuvent faire rire comme ils peuvent glacer le sang, et nul mieux qu’elle par son style à la fois engagé et distancé ne pouvait mieux surmonter les difficultés propres du texte sadien. Clémentine Gallot, Hugues Le Tanneur, LibérationLe public écoute. Secoué, on le devine aux frémissements, lorsque ce grand prosateur qu’est Sade appelle un chat un chat. Le sexe est omniprésent. Mais c’est l’art de dire qui ici subjugue. Et l’art de la transformation (…) transformation du visage, des expressions de l’interprète mutine ou effarouchée, jouisseuse ou candide pour être Juliette et pour être Justine ! Armelle Héliot, Le Figaro
On ne l’attendait pas dans une lecture, et encore moins avec du Sade. Mais Isabelle Huppert n’en finit pas de surprendre. Cette lecture offre une réflection sur la vie, le bien, le mal, la liberté... Hélène Chevrier, Théâtral Magazine