l’histoire
Agamemnon, Ménélas, Le Vieillard, Ulysse, Achille, Clytemnestre, Iphigénie et le Chœur : ils sont tous là et ne quitteront jamais le plateau. Mais ils se déplacent dans un autre espace/temps, un hors-monde, presque fantastique, sans époque déterminée, ils vont d’une fin d’après-midi au lendemain matin, donc essentiellement de nuit. On est peut-être en enfer face à des fantômes qui reviennent incarner cette vieille histoire d’Iphigénie. Ils se souviennent de l’action et débattent de ce sacrifice qui serait dicté par les dieux, alors que c’est une pure fiction inventée par les hommes. L’issue de la tragédie a beau être inéluctable, elle est foncièrement nouvelle parce que déterminée par la volonté des personnages. Iphigénie ne meurt plus par obéissance aveugle à son père, soumission aux dieux, ou par humilité. Elle ne subit plus sa destinée, elle la choisit et interdit à la mémoire collective de s’emparer de cette mort qui lui appartient, à elle seule.ce qu’ils en disent
Il m’a paru évident que je devais absolument monter cette Iphigénie. J’ai compris que ce texte avait paradoxalement déclenché un espoir en moi, un espoir qui perdurait, aujourd’hui, plus que jamais. « Et si c’était autrement ?! » « Et si on faisait autrement ?! » Voilà ce que cette pièce suggère. Ce sont des propositions inouïes. Il y a un terme qui revient souvent dans la pièce, c’est celui de « juste ». Effectivement, ce texte est tout simplement juste. Dans le double sens de justesse et de justice. Je préfère ces notions philosophiques à celles de vrai et de vérité. L’histoire est la même qu’Iphigénie d’Euripide. Mais Tiago Rodrigues invente un procédé d’énonciation particulier : le Chœur questionne l’action et le déroulé de la tragédie, en revenant sur l’histoire sacrificielle d’Iphigénie. C’est un travail de mémoire. Les femmes du Chœur se souviennent de l’action, font apparaître les protagonistes de cette histoire. C’est une pièce féministe. Cela me plaît qu’elle soit écrite par un homme, c’est pour moi la preuve qu’une parole commune est possible. Le texte interroge le libre arbitre et la responsabilité de chacun. Nous pouvons choisir autre chose que le pouvoir, la guerre, le crime, voilà ce que crient les femmes. Anne Théronce qu’ils en pensent
Portée par une langue sublime et une puissance intellectuelle aussi rare que précise, la réécriture de Tiago Rodrigues convainc également dans sa façon de redonner aux femmes toute la place qu’elles méritent, en les libérant du joug des hommes et en les installant comme les seules vraies résistantes, capables de mettre toutes leurs forces dans la bataille. Vincent Bouquet, ScenewebDans ce théâtre de voix et de corps élaboré par Anne Théron, les colères, les fatalités et les tristesses jouent de multiples paradoxes. Rien de tout cela ne serait possible sans la présence sur scène d’interprètes remarquables. Manuel Piolat Soleymat, La Terrasse
Ce ne sont pas les dieux qui mènent le jeu, dans sa pièce, mais les sentiments qui guident les hommes et les femmes : l’ambition du pouvoir et le courage du renoncement, la colère ou l’acceptation devant l’inévitable. Brigitte Salino, Le Monde